Hyacinthe Hounsou, prix spécial du jury au Fespaco 2017, à cœur ouvert…

Hyacinthe HOUNSOU est un jeune passionné d’art et de culture. De dessinateur, il passe par la musique et l’informatique, avant de trouver sa vocation première : le Cinéma. Petit à petit, il fait son bout de chemin dans ce domaine. Il vient, par ailleurs, d’honorer la Côte d’Ivoire avec sa série Aphasie, qui a remporté le prix spécial du Jury de la 25ème édition du Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou (FESPACO 2017). Aujourd’hui, il nous raconte son parcours…

1. Comment et pourquoi es-tu arrivé au cinéma ?

Depuis tout petit, j’avais la passion du cinéma dans la peau ! Dans mon village natal, à Akoupé, mon père aimait nous raconter des contes les soirs autour du feu. C’était des histoires avec des personnages et des univers qu’on ne pouvait voir que dans les films. J’étais très friand de ces récits poétiques et remarquables dont on devinait rarement la fin. Lorsqu’en 1993, je fus orienté à Adzopé pour mes cours secondaires, je n’en avais plus l’occasion. Alors quand je pouvais, c’est moi qui en racontais aux touts petits. Je fréquentais beaucoup les clubs vidéos et j’ai grandi avec cette envie de vouloir raconter aussi des histoires, avec des décors imaginaires. Lorsque j’ai commencé mon aventure avec la chaîne Vox Africa, je côtoyais de plus près mon rêve. En 2011, j’ai enfin eu cette opportunité, lorsque j’ai rejoint le Ministère de la Promotion de la Jeunesse et du Service Civique où j’avais la responsabilité des productions internes. Mais tout a véritablement commencé en 2012, lorsque j’ai participé et gagné au concours vidéo du Forum « Peace and Sports » de l’Unesco.

2. Peux-tu nous présenter ta filmographie ?

En 2012, j’ai créée une boîte de Production qui m’a permis d’avoir 4 œuvres à mon actif dont:

  • IVORIAN CREW DANCE: un long métrage sur la danse urbaine réalisé en 2013, sélectionné au Festival International du Film des Lacs et Lagunes et lauréat du Prix de l’originalité au Grand Prix Africain de la Télévision et du Cinéma
  • AMISSA, long métrage d’action réalisé en 2014, sélectionné au Festival Panafricain de Cannes, au Festival de film de Monaco, au Festival Lumière de Rome…
  • FOKKER 100, premier docu-fiction ivoirien de reconstitution, réalisé en 2015.
  • APHASIE, série télévisuelle réalisée en 2016 en co-production avec Voodoo Group, lauréat du Prix Spécial du Jury au Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou (FESPACO 2017) et dont la sortie est très prochaine.

3. Comment êtes-tu arrivé à financer tes différents films ?

Il est dit souvent « exige beaucoup de toi-même et attend très peu des autres ». Le financement se faisant rare, j’ai pris pour habitude d’auto-financer mes films. Cependant pour APHASIE, il me fallait un fonds conséquent sur le projet. Dieu faisant grâce, j’ai pu obtenir une Co-production de M. Fabrice SAWEGNON, patron de Voodoo Group. Il n’a ménagé aucun effort à nous accompagner et c’est un bel exemple qui devrait inspirer le secteur privé en Côte d’Ivoire.

4. Parlant de Aphasie, d’où t’es venue l’idée ?

L’insécurité et l’injustice sociale sont des réalités dans nos États. Contribuer à tirer la sonnette d’alarme contre ces fléaux multiformes en pleine expansion me paraissait important. Le Cinéma est avant tout un éveilleur de consciences et j’ai toujours voulu être la voix des sans voix. Ainsi, dans ma quête de récidiver avec le genre « action » qui m’a gratifié d’une bonne audience avec AMISSA, est née « APHASIE la Révolte de Dantra ». C’est une histoire dramatique, un thriller politique, traitant de la question du terrorisme sur fond de complots d’États, de manipulations et d’enquêtes policières.

5. Quelles sont les difficultés rencontrées avec Aphasie ?

J’ai eu beaucoup de problèmes, mais je préfère ne pas en parler. Grâce à ma merveilleuse équipe technique toujours motivée, mes comédiens dévoués comme jamais, et avec l’appui des producteurs exécutifs de Voodoo, nous avons surmonté tous ces obstacles.

6. Tu es l’une des rares personnes qui fait du cinéma d’action en Côte d’Ivoire. Comment y es-tu arrivé ? As-tu suivi une formation particulière ?

Je n’ai pas eu une formation typique cinématographique. J’ai tout appris sur le tas, grâce aux différents plateaux de tournages. Je me documente beaucoup et je n’hésite jamais à approcher mes aînés pour avoir des conseils pratiques. L’art c’est avant tout un don que l’école affûte et transforme. Je ne suis pas encore arrivé à faire de l’action comme je le souhaite, mais mon équipe et moi sommes sur la bonne voie. J’aime les défis et j’aime encore plus les relever. La formation doit être accessible à tous ! C’est une base essentielle qui nous permet d’être aguerrit dans toute la diversité cinématographique. Mais le manque d’écoles spécialisées et le manque de moyens pour se former à l’étranger ne doivent pas être un handicap. 

7. Que penses-tu du cinéma ivoirien ?

Le cinéma ivoirien a connu ses lettres de noblesse. Il a connu des moments de léthargies, mais fait peau neuve peu à peu. Cela dit, il n’est pas constant et pas assez représentatif sur la scène internationale. Tout cela est dû à de nombreux facteurs dont, le manque de formation, le manque de financement et le manque d’audace pour un grand nombre. N’empêche, le cinéma ivoirien dispose de plus en plus de techniciens compétents et de comédiens de plus en plus performants. Malgré ces difficultés multiples, on retiendra qu’Hollywood ne s’est pas fait en un seul jour, il y a un travail énorme à faire.

8. Pourquoi selon toi, Aphasie a mérité le prix du jury au FESPACO ?

C’est d’abord une grâce de Dieu ! Et certainement, le potentiel, la technicité déployée à raconter un drame aussi complexe, mais prenant. C’est une œuvre techniquement osée à l’instar des séries occidentales. Je pense que la démarche a été appréciée par le jury et le registre de langue est soigné avec des décors atypiques. On sort des clichés ! Les plans sont vraiment étudiés et chaque épisode suscite de plus en plus la curiosité. Les scènes de combat ont été bien chorégraphiées et les effets spéciaux adaptés aux normes actuelles. Nous avons traités le genre « action » en restant très près de la réalité avec autant d’émotions dégagées. Les scènes de combat ont été bien chorégraphiées et les effets spéciaux adaptés aux normes actuelles. Vous savez, la plus belle chose dans la vie est de donner naissance, faire des films, c’est tout comme ! Le bébé a plu au jury et on ne peut que dire AMEN !